Nous voici dans le nord de l’Inde, sur l’ile de Majuli située sur le fleuve Brahmapoutre. Il s’agit d’un banc de sable géant qui abrite près de 150 000 habitants et qui est l’une des plus grandes îles fluviales de la planète. Sur cette île, on retrouve une forêt de 550 hectares soit la taille de Central Park à New York. A première vue, c’est une forêt tout ce qu’il y a de plus banale, mais pourtant… elle est unique au monde. Et pour cause : elle a été plantée par un seul homme.
Je vous présente Jadav Payeng, plus connu sous le surnom de Molaï dans le pays et qui signifie « l’homme forêt ». Cela fait plus de 35 ans qu’il plante patiemment ses graines, arrose et entretient une jungle sur ce bout d’île. C’est grâce à lui que cette forêt existe aujourd’hui et que l’île où elle se situe n’a pas été ensevelie sous les eaux.
Mais comment cela lui est-il venu ?
Tout a commencé en 1979, à cette époque Jadav Payeng n’est alors âgé que de 16 ans.
Il constate que l’érosion provoquée par la montée des eaux, grignote petit à petit le banc de sable et commence à avoir raison de son île. C’est plus de 70% de la superficie originelle de son île qui ont disparus.
Mais l’élément déclencheur qui le pousse à passer à l’action, où une grande crues renvoie un grand nombre de serpent sur la plage à proximité de chez lui. Après le retrait des eaux, Payeng trouve l’endroit couvert de reptiles morts. Ce fut là tournant de sa vie.
“Les serpents étaient morts de chaleur » Dit-il.
« Il n’y avait pas d’arbres pour les protéger. Je me suis assis et j’ai pleuré sur leurs corps sans vie. C’était un carnage. J’ai alerté le Ministère des Forêts et leur ai demandé s’ils pouvaient planter des arbres. Ils m’ont répondu que rien ne pousserait ici et m’ont dit d’essayer de planter des bambous. C’était dur mais je l’ai fait. Il n’y avait personne pour m’aider. »
C’est ainsi, qu’à la sueur de son front et avec une volonté hors du commun, que Payeng jour après jour planta des arbres pour obtenir 37 ans plus tard une jungle qui s’étend sur pas moins de 5 km. Qui plus est, les racines qui fixent et retiennent la terre, ont permis de stopper l’érosion de son île.
Bientôt, toute une série de fleurs et d’animaux s’épanouirent sur le banc de sable, y compris des animaux menacés, comme le rhinocéros à une corne et le tigre royal du Bengale. On a même aperçu une espèce de vautour qui semblait avoir disparu depuis plus de 40 ans !
« J’ai aussi rapporté des fourmis rouges de mon village » dit-il.
« Les fourmis rouges changent les propriétés du sol. »
Des oiseaux migrateurs ont également commencé à arriver en masse. Les daims et le bétail ont attiré les prédateurs, bref la vie a repris sur ce qui semblait être à la base un terrain où rien ne pouvait pousser ou vivre, un bout de terre voué à disparaitre.
Le Ministère des Forêts de la région n’a entendu parler de la jungle de Payeng qu’en 2008, lorsqu’un troupeau d’une centaine d’éléphants sauvages s’y est réfugié après avoir ravagé les villages voisins. C’est pour dire à quel point ils avaient laissé dans l’oubli ce bout de terre. Depuis, le monde a appris l’existence de cet Éden, Jadav Payeng est célébré, récompensé et invité dans différents évènements. Il a d’ailleurs obtenu en 2015 la 4eme récompense civil d’inde, la Padma Shri.
Malgré l’exploit de cet homme, la situation de l’île reste encore préoccupante. Des familles entières sont parfois contraintes de se déplacer, lorsque les crues du fleuve Brahmapoutre rattrapent leurs habitations proches des rives. Mais Payeng ne compte pas abandonner et fait tout son possible pour protéger la jungle qu’il s’est tant donné de mal à faire pousser.
La question que je me pose c’est : Si un seul homme et ses graines ont pu restaurer un habitat entier en moins de 40 ans, alors que pourrait accomplir un millier d’homme sur une même période ?